C’est avec la plus grande discrétion que le sergent Fernand Plouffe, de la Police Montée Canadienne, alla accueillir Surray à l’aéroport de Dorval : d’abord parce que l’affaire pour 1aquelle Plouffe avait requis le concours de cet ancien collègue ne devait à aucun prix être ébruitée ; ensuite parce que l’âméricain Surray – Vincent Surray, pour la précision de la chronique – avait quitté le FBI par la porte de service sans que ses patrons eussent jugé bon de lui délivrer un satisfecit.
En provenance de New York, l’appareil d’Eastern Airlines déchargea sa cargaison humaine sur l’aire cimentée d’où le blizzard arrachait des nuages de neige poudreuse qui tourbillonnaient un instant avant de se disperser, comme les fumées de mille cassolettes.
Plouffe avança à la rencontre de Surray dans le passage souterrain où les voyageurs piétinaient devant le guichet de l’immigration. Il y avait là, en vrac, des jeunes gens vêtus de manteaux afghans qui allumaient tranquillement une cigarette de marijuana, des noirs couronnés de chevelures hérissées à la mode africaine, des filles en loques aux joues barbouillées d’orangé et même des citoyens ordinaires des deux pays voisins lui transportaient dans leur attaché-case le secret de quelque précieuse transaction. Ce n’est qu’en jouant des coudes que l’Américain parvint à s’extraire de ce magma.