Elle faillit se mordre la langue d’avoir laissé échapper une réflexion qui n’était pas exempte de cruauté à l’endroit d’un prétendant en disponibilité. A la vive surprise de Krystyna, loin de la tancer pour cette pique inutile, Boleslaw la remercia chaleureusement en l’embrassant sur le bout du nez. Soulagée, elle en déduisit – un peu hâtivement – que, de guerre lasse, il avalt abandonné ses projets transcendants.
En vérité, en s’exprimant avec une franchise qui n’était pas frappée au coin d’une générosité excessive, Krystyna avait semé, dans les sillons fertiles du cerveau de Boleslaw, la graine d’un plan follement audacieux – le seul, peut-être, qui pût encore lui permettre, à l’âge de l’apathie globale, de réaliser sa destinée.
A défaut de disposer de troupes compactes, prêtes à monter à l’assaut des citadelles du pouvoir, le leader » en puissance comptait, pour mener son affaire à bien, sur le dévouement d’une poignée de camarades – au demeurant aussi isolés que lui – qui n’avaient jamais, à sa connaissance, reculé devant le danger. A son appel, une fois de plus ils répondirent. présents. Zdenek, Witold et Krysztof reçurent la mission de contacter des copains
et de constituer chacun, autour de leur personne, un mini-commando d’irréductibles.
Boleslaw, pour sa part, s’attaqua sur le champ au nœud du problème. De la vraisemblance de la solution qu’il y apporterait dépendait,
en effet, son triomphe ou sa confusion, le premier débouchant sur l’air enivrant des cîmes, la seconde conduisant à des abysses
qui risquaient fort de ne pas rester à l’état de figure de style et de se matérialiser sous la forme du cul de basse fosse d’une prison.